Quelle est la moyenne d’âge dans les Conseils de quartier ? « En majorité, ce sont des retraités ! » C’est la situation classique et c’est la critique habituelle de ce type d’instance de participation qui demande du temps que les générations plus jeunes n’ont pas beaucoup à consacrer. Et c’est dommage ! C’est dommage, parce que cela crée un déséquilibre, un défaut de représentativité, un biais important pour la démocratie participative…
Mais, est-ce que l’on pourrait poser des yeux plus indulgent et positifs pour analyser cette situation ? En quoi c’est bien aussi d’avoir beaucoup de « têtes blanches » dans les Conseils de quartier ?
Ce samedi 28 septembre, à l’occasion du Festival de la participation de la ville de Saint-Quentin, j’intervenais en tant que modérateur et contributeur de l’Agora placée au centre du grand Village de la participation alternant sur la place de l’hôtel de ville initiatives de démocratie de proximité et services de la ville.
J’y ai rencontré Annick, Conseillère de la vie associative et je lui ai posé la question. « Quand on arrive à l’âge de la retraite, on n’a pas envie que ça s’arrête, moi dit-elle, j’avais envie d’une deuxième vie et je me suis engagée dans le Conseil de la vie associative ». Annick a raconté tout ce qu’elle faisait pour faire se rencontrer les associations entre elles, pour qu’elles se parlent, pour qu’elles s’aident mutuellement… Elle décrit aussi comment elle participe à l’organisation de la Bourse des bénévoles pour susciter des vocations, donner envie de participer, faire se rencontrer toutes les initiatives qui ont tendance à rester dans leur domaine et dans leur quartier…
Annick, et aussi Janine, Marie-France et tous les autres membres des – si je me rappelle bien – 14 différents types de Conseils qui forment la « Démo de proximité » de la ville, sont venus raconter ce qu’elles faisaient pour « rester jeune » ! Elles ne sont ne sont pas n’importe quelle tête blanche. Elles sont constructives, positives et compréhensives. Elles œuvrent pour une meilleure inter-connaissance, pour plus d’empathie entre les groupes sociaux et entre les quartiers. Et comme le souligne sa collègue Janine, Conseillère du quartier de l’Europe, depuis 10 ans que toutes ces personnes se sont engagées dans la Démocratie de proximité alors naissante à St Quentin : « On a grandi… au début on était comme des petits enfants, on était perdues, on ne savait pas comment s’y prendre… Puis on a fait nos expériences, on s’est affirmées, on est devenues plus autonomes. On a lancer d’autres initiatives… »
Dans les sociétés traditionnelles, les anciens sont à la fois détenteurs du savoir qu’ils ont accumulé tout au long de leur vie et vecteurs d’une forme de sagesse qu’ils peuvent exprimer à travers ce savoir. Aujourd’hui dans notre société de l’hyper-vitesse, le savoir des personnes âgées devient vite obsolète. De ce fait, elles ont plus de mal à exprimer leur sagesse, ou au moins le recul que leur vécu leur permet d’avoir, elles peinent à démontrer leur pertinence du fait de ce décalage avec le présent.
Peut-être que les Conseils de quartier de Saint-Quentin et d’ailleurs sont un endroit où des personnes âgées bienveillantes peuvent trouver l’occasion d’exprimer ce recul, d’en faire profiter les autres générations et l’intérêt général ?
Et si en plus elles y renaissent dans une deuxième vie, si en plus elles y grandissent, progressent et s’y développent alors comme l’exprime Marie-France, en échos au discours introductif de Frédérique Macarez, Maire de St Quentin : « Moi, j’aime les gens, même ceux que je ne connais pas, je leur souris et je leur dis bonjour, et c’est pour ça que tant que je peux continuer, je me représenterai à mon poste de Conseil de quartier ! »
Alors naturellement, tout n’est pas rose, à St Quentin comme dans toutes les collectivités. J’ai rencontré aussi quelques personnes âgées fâchées dans ces Conseils Citoyens qui trouvaient que tout était mieux avant et qui peinaient à ne pas trouver que des choses qui allaient plus mal aujourd’hui. Des initiatives comme le Conseil des enfants ou le Conseil des jeunes sont très précieuses mais elles ne suffisent pas pour sortir la démocratie participative des TLM et apporter plus d’équilibre générationnel et de pluralité dans les Conseils de quartier…
Tout n’est pas fluide à St Quentin et Annick d’ajouter : « Quand on n’est pas d’accord avec Thomas, Maire Adjoint en charge de la participation citoyenne, on ne se gêne pas pour lui dire ! »
Mais la majorité des personnes rencontrées dans ce Festival de la Participation de St Quentin semblaient conscientes des limites des Conseils Citoyens tels qu’ils sont et de l’enjeu notamment du rééquilibrage générationnel et pour citer une dernière fois Annick : « On fait ce que l’on peut, ça nous permet de rester jeune mais on a encore beaucoup de progrès à faire ! »
Réinventer la démocratie participative ?
Le jeu cet après-midi de Festival était aussi de partager l’expérience de deux villes, celle de Gand, qui fêtait le 21 juin dernier les 25 ans de « Participation Politique » de la ville et celle de Saint-Quentin, qui fêtait ce samedi 28 septembre durant ce Festival, les 10 ans de la Participation Citoyenne de la ville.
Strategic Design Scenarios a eu le plaisir d’accompagner la ville de Gand durant toute l’année 2023 dans un processus de réflexion rétrospective (qu’est-ce que l’on a fait – et pas fait – durant ces 25 dernières années ?) et prospective (comment réinventer la démocratie participative pour faire face aux enjeux des 25 prochaines années ?). Alors, cet après-midi a permis de partager les expériences, de faire des parallèles, de s’inspirer mutuellement. Les deux villes ont beaucoup en commun une différente, mais solide, expérience en matière de participation, de multiples innovations pour engager la contribution, pour augmenter la collaboration entre les citoyens et la ville…
Les enseignements de cette année de travail réflexif rétrospectif et prospectif avec le service de « Participation Politique » de la ville de Gand sont la base de mon prochain ouvrage « Réinventer la démocratie participative ? L’ambition de la ville de Gand pour les 25 ans à venir » à paraître dans quelques semaines. Rendez-vous bientôt pour en parler !
Alors merci Thomas Dudebout, Maire Adjoint en charge de la participation citoyenne et des Grands projets et à Sophie Henniaux, DGS de la ville pour cette invitation à partager cette belle après-midi, par chance baignée de soleil. Merci aussi à mon collègue Christophe de n’avoir pu honorer leur invitation et de m’avoir permis de rencontrer toutes ces belles personnes !